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Heures supplémentaires et travail dissimulé

C’est l’histoire d’un employeur qui veut transformer l’or en argent… mais qui refuse de transformer le temps de travail en salaire.

Un employeur, célèbre pour sa formule choc concernant la transformation de l’or en argent, demandait à sa salariée de tenir boutique suivant des horaires précis et de battre la campagne pour diffuser flyers et autres objets publicitaires en plus de son temps de travail officiellement reconnu… y compris le dimanche.

La Cour d’appel de Bordeaux rappelle les règles concernant la preuve des temps de travail :

« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Dans ce dossier, la Cour a pris soin d’examiner l’ensemble des éléments de preuve des temps de travail accomplies par la salariée et, au vu de ces éléments la Cour précise avoir « ainsi la conviction que Mme P a effectivement accompli les heures supplémentaires dont elle sollicite le paiement ».

La Cour a alloué 2 449,15 € à titre d’heures supplémentaires.

Mais la décision est particulièrement intéressante sur les conséquences du refus de l’employeur de payer les heures supplémentaires dont il ne pouvait ignorer l’existence.

En effet, la Cour retient que :

 » Il a été relevé précédemment que Mme P adressait un relevé des heures effectuées en dehors de la boutique. Elle n’est pas démentie sur ce point qui est confirmé par le courriel de Mme M et il est établi que Mme P a participé à des
manifestations se déroulant notamment le dimanche (pièces 31, 85 et 87) ce que la société, ne pouvait ignorer.
Dès lors, la cour considère que l’élément intentionnel requis par l’article L. 8221-5 du code du travail est suffisamment établi. »

En conséquence, l’employeur est condamné à payer une indemnité de 6 mois de salaire soit 12 125,52 €.

En outre, la Cour a confirmé que le jugement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, les motifs du licenciement n’étant démontré par aucune pièce versée aux débats.

Alors que le Conseil des prud’hommes de Périgueux n’avait alloué que 5 596,14 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif, la Cour alloue à la salariée le somme de 15 000 €.

Il s’agit d’une décision évidemment satisfaisante pour la salariée qui ne lui permettra cependant pas de compenser la perte des revenus qu’elle tirait de son emploi, mais elle constitue une reconnaissance du caractère injuste du licenciement.

Surtout, elle est un rappel important à la destination des employeurs qui demandent à leurs employés d’accomplir des tâches sans se soucier du temps de travail que cela génère et si cela est faisable dans le temps de travail imparti. Quand l’employeur agi sciemment sans régler les heures supplémentaires correspondantes, il s’agit d’un travail dissimulé sanctionné par une indemnité de 6 mois de salaires au bénéfice du salarié (si le contrat de travail a été rompu).

Management fautif et licenciement abusif

A de nombreuses reprises notre Cabinet a eu à connaître de situations démontrant que la gestion des effectifs « à l’économie de personnel » était chronique dans les résidences accueillant nos ainés, qu’il s’agisse de résidences privées ou publiques.

En 2015, notre Cabinet avait ainsi été saisi par la directrice d’une résidence appartenant au groupe KORIAN. Elle s’était battue seule pendant plusieurs années pour essayer de maintenir une qualité de vie la meilleure possible pour les résidents. Après plusieurs années de combat, elle avait succombé à la dépression. La Cour d’appel de Bordeaux a su relever les carences managériales chroniques de la part de l’employeur… Carences qui, en réalité, résultaient d’une volonté de fonctionner à l’économie (CA Bordeaux, ch. soc. sect. a, 11 déc. 2019, n° 17/04249. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Bordeaux/2019/C007E34449CC13E276BD8).

Ainsi la Cour indique-t-elle pu relever que : « En outre, Mme X établit que son employeur, ce que ce dernier ne contredit d’ailleurs pas dans ses conclusions, ne lui a pas fourni pendant plus d’un an l’assistance de deux collaborateurs clés, formés en ‘management’, en appui de la direction et étant en capacité de prendre le relais, le cas échéant, en l’absence du directeur. Elle prouve ainsi qu’elle a dû assumer seule le travail de directrice et de manager, sans être assistée de deux collaborateurs clés pendant plus d’un an à la suite du départ pour inaptitude professionnelle de l’infirmière collaborateur clé, Mme B C. Cette dernière, qui a été en 2011 et 2012 la plus proche collaboratrice de Mme X confirme d’ailleurs les conditions de travail dégradées au sein de la résidence de retraite ‘Le Moulin de L’I ainsi que les allégations de Mme X aux termes desquelles cette dernière était donc seule en charge de l’établissement en 2013, ce qui a entraîné irrémédiablement une hausse significative de ses heures de travail et une surcharge de son travail de manière durable l’ayant mise dans un état dépressif réactionnel. Il convient, enfin, de relever que Mme B C est elle-même partie pour déclaration d’inaptitude en juillet 2013 et que l’employeur ne verse aux débats aucun élément permettant de considérer qu’il a pris des décisions effectives de renforcement de moyens humains, notamment en termes de ‘management’, au sein de la résidence de retraite ‘Le Moulin de l’I’ dirigée par Mme X. »

Sur le plan du droit du travail, la Cour en conclut que le licenciement pour inaptitude résulte en fait de la faute de l’employeur et qu’il se trouve, de ce fait, dépourvu de cause réelle. Concrètement, le licenciement est donc injustifié.

« Dès lors, le comportement fautif de l’employeur ayant été directement à l’origine de la détérioration de l’état de santé et de l’inaptitude de Mme X, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de requalification de son licenciement par cette dernière et de dire, de manière subséquente, que le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse ».

La requalification en contrat de travail à durée indéterminée du contrat de professionnalisation

Nous communiquons ci-joint un article illustrant notre travail au Cabinet LEMERCIER AVOCAT, aux côtés d’un salarié pour obtenir la requalification de son contrat de professionnalisation en CDI en raison des manquements de son employeur :

  • défaut de respect de l’obligation de formation
  • non-respect des temps de travail
  • utilisation du salarié pour accomplir des tâches relevant de l’activité normale de l’entreprise.

Le dossier est en cours devant la Cour d’appel de BORDEAUX, mais la décision rendue par le Juge départiteur du Conseil des prud’hommes de PÉRIGUEUX est sans équivoque puisqu’il a :

Prononcé la requalification du contrat de travail à durée déterminée ayant pris effet le 16 avril 2015 en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que des contrats de travail à durée déterminée ayant pris effet le 22 juin 2015 ;

Prononcé la requalification en contrat de travail à durée indéterminée du contrat de professionnalisation à durée déterminée en date du 13 juin 2016 ;

Condamné la société LA P à payer à Monsieur Patrick M. les sommes suivantes :

1 988,08 € brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

198,80 € brut à titre de congés payés sur heures supplémentaires ;

1 489,48 € à titre d’indemnité de requalification ;

6 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

585,88 € à titre d’indemnité de licenciement ;

1 496,30 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

149,63 € brut à titre des congés payés y afférents sur l’indemnité compensatrice de préavis ;

1 000,00 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

Débouté Monsieur Patrick M. du surplus de ses demandes indemnitaires et de rappels de salaires ;

Dit que les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du Conseil de Prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du présent jugement pour le surplus ;

Ordonné la capitalisation des intérêts ;

Condamné la société LA P. à remettre à Monsieur Patrick M. une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée conformément aux dispositions de la présente décision, ainsi qu’un bulletin de salaire mentionnant les rappels de salaires et indemnités soumises à cotisations sociales ;

Assortit cette condamnation d’une astreinte provisoire de 20 € par jour de retard, qui courra à compter du trentième jour suivant la notification du jugement et ce, pendant un délai de soixante jours ;

Condamné la société LA P. à payer à Monsieur Patrick M. la somme de 1 500,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamné la société LA P. aux dépens ;

Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1 496,30 € ;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire pour les sommes autres que celles visées à l’article R.1454-28 du code du travail.

 

Requalification des CDD en CDI quand le recours au CDD est érigé en mode normal de gestion de la main d’oeuvre

Dans un arrêt du 12 décembre 2018, la Cour d’appel de Bordeaux, rappelle une solution classique de la Cour de cassation.

La situation est courante dans le monde de la santé, et plus particulièrement dans les cliniques, EPHAD et autres établissement de santé : le recours aux CDD est fréquent et souvent massif.

Nous avons obtenu que les 59 CDD soit requalifiés en CDI.

Les conséquences pour notre clientes sont importantes car elle a pu obtenir :

– 1 851,98 euros au titre de l’indemnité de requalification ;
– 3 703,96 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
– 370,39 euros au titre des congés payés sur l’indemnité compensatrice de préavis ;
– 11 111,88 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle
et sérieuse ;
– 500 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de
licenciement ;
– 988,95 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

La Cour d’appel de Bordeaux a rendu une décision particulièrement motivée au regard de la situation :

« Mme S, diplômée d’état d’aide médico-psychologique (AMP), a été engagée
selon les contrats de travail signés, en tant qu’auxiliaire de vie, d’aide soignante ou
d’AMP.
Elle a pourtant été également amenée à effectuer au décours des divers contrats de
travail, le remplacement de salariés aide-soignant, agent de service hôtelier, agent
hôtelier, responsable hôtelier, attachée de direction, secrétaire administrative, infirmière.
L’employeur soutient qu’à la lecture des fiches de fonction concernées, beaucoup
de tâches sont similaires (tels que le maintien de l’hygiène dans les locaux, l’aide et
l’installation des résidents, l’accompagnement et le service lors des repas, la
participation aux activités et animations de l’établissement…).
Or, force est de constater que si tel est le cas pour l’aide-soignant, peu de tâches
sont communes avec le responsable hôtelier, qui doit par exemple s’assurer que l’équipe
hôtelière exécute ses actions dans le respect des règles d’hygiène, de confort et de
qualité, et encore moins avec l’attachée de direction et la secrétaire administrative dont
les fiches de fonction ne sont d’ailleurs pas versées aux débats.
Dans ce cadre, il faut souligner que si le coefficient de Mme S a évolué au fil
des contrats, elle a été engagée en tant qu’auxiliaire de vie du 27 décembre 2011 au 30
avril 2013, coefficent 205, quelque soit le remplacement assuré et la qualification du
salarié remplacé : AMP, aide-soignant, auxiliaire de vie, agent de service hôtelier, agent
hôtelier.
Puis, du 1er mai 2013 au 18 juillet 2013, la salariée a été engagée en tant qu’AMP,
coefficient 220 pour remplacer successivement des salariés AMP, responsable hôtelier,
agent hôtelier, attachée de direction et auxiliaire de vie.
Il en est de même pour la période postérieure.
En outre, la cour relève que si l’effectif de la société est de 36 salariés, Mme S
a remplacé 31 salariés différents en 2 ans et demi.
En conséquence, comparativement à l’effectif de l’entreprise, le nombre de CDD
de remplacement démontre que le recours au CDD était érigé en mode normal de gestion
de la main d’oeuvre. L’emploi que Mme Sees occupait était lié durablement à l’activité
normale et permanente de la SA Les Pliesinos, aucune anticipation n’étant opérée pour
gérer les remplacements prévisibles ».

C’est l’histoire du particulier employeur et de la salariée absente (faute grave)

Une dame se trouve gravement handicapée et ne peut plus se déplacer autrement qu’en fauteuil roulant.

Pour les actes de la vie courante, elle doit être aidée et ne peut plus, notamment, se mettre seule au lit.

Elle devient particulier-employeur.

Elle embauche une salariée qui l’aidera pour la cuisine, le ménage, se lever et se mettre au lit.

C’est la convention collective du Particulier employeur qui s’applique.

Un soir, la salariée ne se rend pas sur son lieu de travail et ne se présente que le lendemain.

L’employeur, bien que non professionnel du droit, va mettre en oeuvre la procédure de licenciement pour faute grave notamment pour absence injustifiée (outre le fait que la salariée venait parfois sur son lieu de travail avec son enfant).

Le Conseil des prud’hommes de Périgueux avait cru pouvoir juger qu’il ne s’agissait pas d’une faute grave, mais d’une « cause réelle et sérieuse » (faute simple) qui permettait à la salariée de percevoir son indemnité de licenciement et son préavis.

La Cour d’appel de BORDEAUX, dans un arrêt du 27 mars 2019, va sanctionner le Conseil des prud’hommes de PERIGUEUX :

« Au regard de la nature des fonctions de Madame S et du lourd handicap
de son employeur toute absence injustifiée est de nature à engendrer un préjudice
important caractérisant après un premier avertissement pour des faits de nature identique,
la faute grave rendant impossible le maintien du salarié au domicile de l’employeur
pendant le préavis de sorte qu’il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu’il
a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ».

Au regard de la nature des fonctions et du handicap de l’employeur, toute absence, surtout que la salariée avait déjà été avertie pour cela, est une faute grave !

Cette faute prive la salariée de son indemnité de licenciement et du préavis.

Il faut dire que l’absence inopinée de la salariée avait conduit son employeur à devoir passer la nuit dans son fauteuil roulant…